Un hurlement déchirant se fit entendre. Pesmerga descendit vivement des toits d'un bond. Plus loin, un homme au visage ensanglanté gisait contre un mur, autour de lui, une dizaine de villageois le frappaient sauvagement. L’homme sanglotait et avait renoncé à se défendre.
Etait se donc là la folie qui s’emparait de cette ville à la tombée de la nuit ? Les villageois se livraient ils au massacre organisé d’innocents ?
Pesmerga se lança à l’aide du martyr, emprunt d’une fort sentiment de dégoût mais une silhouette encapuchonnée lui barra la route à bonne distance du groupe.
-Arrête, il est trop tard pour lui, il est mourrant. Il a choisi sa voix et tu ne peux que le pleurer.
Pesmerga eut un mouvement de surprise. Il ne savait pas pourquoi mais jusqu'à maintenant il parvenait à ressentir la présence des êtres vivants autour de lui de sorte que nul n’avait réussi à le surprendre mais cette fois il n'avait rien vu venir. La silhouette était littéralement sortie de nulle part. Il se reprit néanmoins devant l'urgence de la situation.
-Ecarte-toi ! Pesmerga ne pouvait contenir sa rage face à la torture. Tu ne suggères tout de même pas que je permette cela ? Il brandit son épée mais une impression étrange le maintint sur place. Allant de surprise en surprise, il pouvait maintenant percevoir une sorte d’aura autour de la silhouette dont il ne pouvait pas distinguer le visage. Il lui était impossible de faire le moindre mouvement.
La silhouette repris d’une voie cristalline et parfaitement calme, manifestement pas inquiété par le chevalier d’une taille plus que respectable qui lui faisait face
-Les hommes sont laches et stupides. Ils sont intolérants et préfèrent détruire plutôt que comprendre. C’est une race inférieure. Ils te tueront si tu y va… Ou du moins ils essaieront dis la voie subitement amusée.
-Qu’est ce que vous racontez ? je ne suis pas comme ça… ils ne peuvent pas être tous comme ça.
-Tu es trop bon, il était comme toi… et regarde où ça l’a mené.
Pesmerga pouvait ressentir de la tristesse dans la voix de l’inconnue tandis qu’il lui montrait l’homme massacré.
-Il croyait à la nature bénéfique des hommes. Mais si tu ne crains pas les conséquences que pourrait avoir cette petite altercation et si tu crois pouvoir les raisonner…
L’inconnue s’écarta et Pesmerga libéré s’avança sûr de lui vers les villageois.
En l’apercevant, un homme s’imposant comme meneur pris la parole :
-On ne veut pas de toi ici.
Pesmerga fut immédiatement surpris par la haine que l’homme lui crachait au visage au travers de ses propos.
-et pourquoi?
-Fais pas l’idiot, on a encore retrouvé une femme vidée de son sang l’autre jour et nous savons que c’est à vous que nous le devons.
-vidée de son sang ? dit il doucement plus pour lui-même. Exactement comme l’oiseau… la fameuse Tanya j’imagine.
L’homme mourrant tandis la main avec difficulté quand en un instant, le villageois le transperça de sa fourche dans une gerbe de sang.
-Non! rugit le chevalier noir impuissant
L’homme s’effrita aussitôt et devint cendres. Pesmerga n’en croyait pas ses yeux. Une clameur remonta dans le groupe, encourageant le meneur qui se fit plus menaçant. Ils firent un pas en avant et des armes se dévoilèrent. Ils étaient près à tuer Pesmerga sans raison valable. L’homme arracha l’arme qui transperçait le reste du cadavre et la pointa sur le chevalier.
Pesmerga était anéantis, il venait d’être rejeté par les humains qu’ils considéraient comme ses semblables. Il ne pouvait plus se considérer comme l’un d’entre eux et fut écœuré par leur cruauté.
-On se laissera plus faire par les vampires. On va te tuer toi et tous tes semblables.
-vampire ?
De tels monstres existeraient vraiment ? Venait il de trouver ses semblables ? devait il à jamais renier l’humanité ? Peut être qu’il n’y avait pas plus de mal à être un monstre sanguinaire qu’un être humain. Il était abattu, un immense sentiment de détresse le parcouru. Cette révélation changea quelque chose en lui.
Il se mit à rire de lui-même. Ses illusions perdues aussitôt qu’il les avait eus… C’était d’un pathétique.
Il fut alors secoué d’un rire dément et les villageois eurent un mouvement de recul. Pourquoi diable avait il tenté de croire en ses méprisables créatures ?
-Si je suis bien un vampire gronda t il d’une voix inquiétante, je ne devrais avoir aucun scrupule à vous tuer.
Les villageois étaient maintenant proches de la panique.
-Vous tuer tout comme je viens de vous voir massacrer l'un des miens dans ce qui fut moins une bataille qu'une boucherie humiliante.
Le sentiment d’exclusion et la sensation d’être un démon le rendirent fou. Il avait instantanément compris que nulle part il ne trouverait un village capable de l'accueillir. Il avait la sensation qu'il avait passé des siècles seul enfermé dans une puit sans lumière pour s'apercevoir une fois libéré que la réalité serait pire encore, qu'il allait devoir vivre rejeté comme une bête le restant de sa vie.
Il prit subitement le meneur par la gorge et le souleva à 20 cm du sol.
Un villageois se jeta sur lui mais Pesmerga le projeta contre le mur comme s’il s’agissait d’une misérable poupée.
-Pitié.
Pesmerga fixa l’homme et sa fureur augmenta
-La mort te fait peur? tu as pourtant tué.
-Pitié, je ne tuerais plus de vampires.
Pesmerga se laissa aller à un rire sonore tout en resserrant sa prise sur le villageois qui ne pouvait plus articuler. Quel magnifique retournement de veste. Il ne lui avait pas fallu 1 minute pour cela.
-As-tu écouté le malheureux que tu viens de mettre à mort ? Je n'ai que faire de tes paroles creuses. Tu ne tueras plus personne, cela du moins j'en suis persuadé.
La rue s’obscurcie soudain et le ciel se fit menaçant. Les ténèbres semblaient émaner de l’armure noire alors que les ornements dorés brillaient comme chauffés à blanc.
Lorsque Pesmerga dégaina son épée, les yeux étincelants d’une rage non contenue, un jeune garçon sortit du groupe de villageois en pleurant. Il agrippa alors la jambe du chevalier.
-Laissez mon père, s’il vous plait. Je vous en supplie.
Lentement la ruelle s’éclaira de nouveau tandis que la vue du petit garçon calmait Pesmerga qui lâcha l’homme. C'est seulement alors qu'il reconnut le visage déformé par les larmes d'Erim. Pesmerga ne parvenait plus à bouger, figé par l'horreur. Le chevalier était terrorisé par ses actes. Il ne pouvait supporter de voir la peur et le chagrin qu'il avait suscité chez le jeune garçon qui lui avait tendu la main quelques heures plutôt.
Les villageois retrouvèrent leurs jambes partirent en toute hâte en compagnie d'Erim et de son pere, laissant Pesmerga seul et immobile comme une statue de marbre.
-Je suis impressionnée.
L’inconnue à la cape sortit de l’ombre.
-Tu es perdu, Tu doute de toi mais tu ne t'en es pas trop mal tiré non ?
L’inconnue retira sa capuche. C’était une femme magnifique aux traits fins. Elle avait de longs cheveux blancs assortis au teint pale de sa peau et qui coulaient délicieusement sur ses épaules. Cette blancheur particulière pour son apparente jeunesse ajoutait à son charme. Et ces yeux… des yeux extraordinaires qui captaient aussi bien la lumière que le regard.
-Je m’appelle Sierra, je suis le vampire originel venue au monde peu après les grandes guerres de l’ouest il y a 883 ans, gardienne du rune de la lune bleue et grande sorcière de la non-vie.
Pesmerga sortit de sa rêverie, intrigué par la femme qui lui faisait face.
-Oui je sais, c’est un petit peu long et pompeux fit elle dans un sourire enjôleur mais il faut parfois respecter le protocole surtout pour une rencontre comme celle-ci.
Il était littéralement fasciné. Nul doute qu’il avait en face de lui une créature exceptionnelle.
-suis-je comme vous ? Un monstre… demanda-t-il sans détour convaincu qu’un vampire pourrait lui apporter les réponses qu’il cherchait.
-Je suis un peu déçue de t'entendre demander ça. Ne viens tu pas d'éprouver la différence entre l'idée que les autres se font de toi et celle que tu te fais de toi même? N'était se pas la sensation d'avoir perdu ton propre respect pour toi même qui vient de te causer autant de souffrances?
Quoi qu'il en soit, pour en revenir à "nous", nous ne sommes pas tous des monstres, nous sommes des êtres maudits un peut comme toi mais tu es bien plus. Une extraordinaire puissance sommeille en toi, une puissance que beaucoup de vampires t’envieraient. Nous ne buvions pas de sang à l’origine, car tu dois savoir que nous avons besoin de sang pour survivre. Nous ne tuions personne car la force du rune de la lune bleue nous suffisait jusqu'à qu’elle soit volé par un vampire du nom de Neclord qui lui est un vrai démon. Ce n’est pas ce que nous sommes qui fait de nous des monstres mais ce que nous faisons. Ainsi, il appartient à toi seul de décider de ta condition, de ce que tu va faire de ta force. Ne laisse surtout personne en décider pour toi. Quant à ta véritable nature, je ne peux te la révéler mais tu n’es ni vampire, ni humain.
-Ni vampire ni humain…
La discussion fut écourtée quand des bruits de pas d’un nouveau groupe de villageois enhardis par leur nombre –par ailleurs fort impressionnant- se rapprochèrent.
Sierra remis la capuche de sa cape.
-Ne restons pas là, tu ne dois pas mourir ici. Je t’amène chez nous, dans les taudis.
Les deux fugitifs s’enfuirent dans la brume des ruelles avec derrière eux, les cris de leur poursuivants.
Sujet: Re: le chevalier noir