Le tunnel

Elle attendait depuis longtemps, son nounours dans les bras, d’habitude elle ne s’impatientait pas autant, mais aujourd’hui, elle trépignait.
La bonne odeur de gaufres et de barba papa qui se promenait dans l’air, vint lui chatouiller les narines et l’apaisa quelque peu. En cherchant d’où venait cette odeur, elle aperçu le « train fantôme » et frissonna en voyant tous les monstres qui étaient suspendus à la devanture comme des enseignes.

-« Qu’est-ce qu’il fait ? Ça doit faire 25 minutes que je l’attends.»
Une musique, qu’elle n’avait pas remarqué jusque là, parvint à ses oreilles. Elle chercha du regard d’où elle pouvait bien venir, et tomba sur un manège de chevaux de bois. Tout en se dirigeant vers lui, elle se demanda pourquoi ce manège était surélevé, il surplombait toute la fête foraine.
« D’habitude les attractions sont toutes au même niveau » murmura-t-elle.
Elle hésitait à aller plus loin, quand elle se rendit compte qu’elle était devant l’entrée d’une attraction qu’elle n’avait pas vu d’où elle était.

« Le tunnel aux souvenirs » lu-t-elle. Elle y passa la tête mais il y faisait trop sombre pour distinguer quoi que soit.
-« Tiens, la musique du manège résonne dans ce tunnel. » Mais la musique ne résonnait pas, elle venait vraiment du tunnel.
Elle avança, intriguée, un écriteau disait : « Faites confiance à vos oreilles. »
-« Bon, après tout ce n’est qu’un jeu, je ne risque rien. » Alors, elle s’engouffra dans le tunnel, un spectateur aurait pu jurer de la voir disparaître, happée par le noir.

Une drôle d’odeur flottait autour d'elle, une odeur qui lui était familière, mais qu’elle n’arrivait pas à définir. Arrivée à un carrefour, trois autres tunnels se présentaient à elle, un devant et les deux autres sur les cotés.
« Hé bien me voilà bien ! Ils pourraient prévenir que c’est un labyrinthe, je… » Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase, que ça lui revint à l’esprit. « La musique, je dois écouter la musique » se dit-elle. Elle vérifia dans lequel des tunnels la musique résonnait le plus, en espérant que c’était bien ça que voulait dire l’écriteau. Elle entra dans celui situé à sa droite. Une grimace se lisait sur son visage, le genre de grimace que l’on fait lorsqu’on s’attend à recevoir un mauvais coup.

Elle se retrouva dans un champ de blé. C’était ça, cette odeur qu’elle avait senti, comment l’avait-elle oublié alors qu’elle lui était si familière ? Elle n’eut pas le temps de faire un mouvement, que quelqu’un commença à hurler son nom.
- Florine ?!!!
- J’arrive !
- Qu’est-ce que tu fais ? Tu rêvasses dans les champs, comme d’habitude, c’est ça ? Arrête de rêvasser, ça m’énerve ! Aller, vas faire le dîner, tes frères vont rentrer et rien n’est prêt !
- Oui, papa.»

Le repas fini, les deux frères se levèrent, suivi du père continuant de se curer les dents. Alors qu’ils avaient été servis et n’avaient pas bouger le petit doigt, ils osèrent dire, et en coeur :
- Bon, débarrasse la table, je suis tellement fatigué que je vais aller prendre le café sur le canapé, apporte le moi là bas.

Et comme tous les soirs, Florine débarrassait la table et faisait la vaisselle et servait le café, sans même s’en rendre compte, machinalement.
Effarée parce ce qu’elle venait de voir, elle recula, vit le tunnel à coté de l’évier de la cuisine, et s’y précipita.

De passer violemment à un tel manque de luminosité lui fit perdre l’équilibre mais elle su se ressaisir rapidement. Peut-être qu’elle ne vacilla pas seulement à cause du manque trop soudain de repères...
Tout en avançant, elle se disait qu’elle ne se souvenait plus d’avoir eu un tel statut au sein de sa famille. D’ailleurs pourquoi fallait-il, dans toutes les représentations de la famille qu’il y est forcément quelqu’un qui « serve » ? Pourquoi y a t il toujours un asservi, on aboli l’esclavage civique mais on oublie d’abolir l’esclavage naturel !

Pourtant elle trouvait ça normal à l’époque, en fait elle n’avait jamais pris le temps de se poser la question, elle avait vu sa mère faire tout ça avant elle et l’avait imité. Elle n’avait fait que suivre un exemple, comme le font tous les enfants, sans penser. L’imitation est dangereuse quand elle n’est pas réfléchit finalement.

Cette fois elle reconnaissait l’odeur, c’était un parfum, un parfum d’homme. Elle continua à avancer et se retrouva de nouveau face à un carrefour, elle écouta la musique, tourna à gauche et atterrit sur son lit.
Son regard parcouru la pièce. Ses vieux posters qui pourtant étaient neufs d’apparence, seraient aujourd’hui complètement obsolètes.
Un jeune garçon lui faisait face, il ne devait pas avoir plus de 16 ou 17 ans. Il se pencha vers elle, elle crut qu’il voulait l’embrasser et se pencha aussi, mais il lui dit : « Alors, tu m’aides pour ma dissertation ? » Elle resta un moment sans bouger, toujours penchée, le regardant feuilleter rageusement un livre qui ne lui avait rien fait.

Elle se rapprocha de lui, et commença à lui dire qui lui fallait faire un plan en trois parties, avec des arguments choisis pour illustrer et elle commença à lui énoncer les parties auxquelles elle avait pensé, mais subrepticement, il s’éloigna et alluma une console de jeux.
Surprise, elle lui dit :
- Ba qu’est-ce que tu fais ? Tu ne veux plus faire ta dissert ?
- Si mais tu es beaucoup plus douée que moi, ça nous fera gagner du temps si tu la fais, tu sais déjà comment la faire, je ne ferai que te retarder. On passera plus de temps ensemble à s’amuser comme ça, on sera vraiment tous les deux, tu ne crois pas ? »

Flattée de voir qu’il voulait être avec elle et profiter pleinement de sa présence, elle finit la dissertation, et même si il lui fit l’amour plus tard dans la soirée, il ne lui dit jamais merci pour son aide. Elle ne remarqua rien, peut-être avait-elle confondu…

De retour dans le tunnel, elle se demanda comment elle atterrissait dans ses souvenirs, comment le tunnel pouvait connaître tous ces détails. Elle ne comprenait pas le fonctionnement de cette attraction, d’habitude ce n’est pas les gens qui font le jeu, là elle avait l’impression de faire son attraction toute seule.

Elle trouva un motif par terre qui avait l’air d’avoir été dessiné. Elle s’en souvint très bien, cette fois-ci, arrivée au tunnel, elle alla tout droit, et se retrouva dans ce parc. Elle adorait ce parc, elle était venue là avec son fiancé, ils devaient pique-niquer.
Elle s’était donnée du mal pour préparer ce pique-nique, elle s’y était prise la veille, pour tout faire, elle voulait vraiment que ce soit réussi.
Evidemment, la vie nous rappelle toujours que c’est prétentieux de vouloir tout contrôler et de ne jamais accepter que les choses ne se passent pas comme prévu, et dans ces moments là elle fait tout rater ou presque pour nous remettre à notre place.

Elle prit la nappe pliée dans le panier, avec le motif qui la rattachait à ce souvenir, et l’étendit, elle avait l’habitude de jouer à la dînette quand elle était petite fille et elle prétendait souvent qu’un garçon, celui qu’elle aimait de tout son cœur, était assis en face d’elle et appréciait, amoureusement, les yeux remplis de reconnaissance.
Elle continuait de tout disposer, un sourire, en repensant à ce doux souvenir qui allait devenir une réalité, se dessina sur ses lèvres.

Son fiancé arriva une rose rouge à la main.
- C’est superbe, tu as bien fait les choses. Ecoute, mes potes sont là et on va faire un foot à coté, à tout à l’heure. Je reviens vite, de toute façon, il n’y a rien à cuire, ça ne va pas refroidir !
Il se mit à rire, la laissant là, un couteau dans la main, des fourmis dans les jambes et une fourchette dans le cœur.

Pourquoi tous ces souvenirs revenaient maintenant ? Etait-ce à cause de son futur mariage ? Est-ce qu’inconsciemment elle essayait d’ouvrir les yeux ?
- Je suis une femme, se dit-elle, une femme telle qu’on la conçoit, soumise toujours au service des hommes, se sentant un peu inférieure, juste ce qu’il faut pour rester à ma place et ne pas remettre en question mon statut.
Comment ais-je pu accepter ça ? Pourquoi ais-je accepté ? Est-ce de la faute de ma mère et de toutes les femmes qui l’ont accepté avant moi, ou de la mienne qui ai bêtement suivi un exemple qu’on me disait de poursuivre ?

Quand elle rentra à nouveau dans le tunnel, la musique se tue et elle avançait en entendant ses pas résonner de plus en plus fort. Elle se retrouva à l’endroit d’où elle était partie, la bonne odeur de gaufres fit gargouiller son estomac. La musique avait repris, le manège tournait toujours, mais ce qu’elle n’avait pas remarqué c’est que l’expression des chevaux de bois avait changé, un léger sourire transparaissait sur leurs lèvres.
- Florine !! Florine !! Désolé j’étais avec mes potes, on faisait des manèges, il y en a un qui est excellent là-bas…
- Quoi ? Alors pendant que je t’attends bien sagement, toi tu t’amuses avec tes copains ? Tu penses peut-être que j’aime poireauter pendant une heure, que ça rend nos retrouvailles plus sexy, « plus c’est long, plus c’est bon », c’est ça !!
- Ba, qu’est-ce qui te prend, pourquoi tu t’énerves comme ça ?
- Pourquoi je m’énerve, parce que tu ne trouves pas ça légitime ? Mais non bien sûr, tu es tellement habitué à ce que j’encaisse tout comme une bonne poire, que ça te fait bizarre de me voir réagir. Je conçois que voir une poire pousser sa gueulante est toujours un peu perturbant surtout quand elle est bonne, mais il faut bien s’attendre, à un moment, à la revanche des « bons » fruits et légumes, et passons sur les pourris, car ils ne sont « bons » qu'à être écrasés, n’est-ce pas ?! »

Amusé, il l’a regardait, ne la prenant visiblement pas au sérieux.
- Eh Philippe, qu’est-ce que tu fais, tu viens, on t’attend, nous ?
- Non, il n’est pas question qu’il aille avec vous maintenant, puisque que j’ai attendu à cause de vous, vous allez attendre à cause de moi !
Elle le saisit par le bras et l’entraîne avec elle. « J’ai trouvé une attraction qui vaut mieux que toutes les autres à sensations soi-disant fortes, tu vas vraiment planer avec celle-là. »

Pendant qu’elle se dirigeait vers le manège, elle ressentit comme un grand tournis, comme si elle avait tourné sur elle-même, rapidement, plusieurs minutes. Arrivés devant, elle n’en cru pas ses yeux, à la place de l’entrée se dressait un mur, un mur qui servait à soutenir une autre attraction. Elle n’avait quand même pas rêvé, c’était si vrai, si réaliste, si profond, elle avait enfin compris, ça devait compter ?!
Lui avait l’air très ennuyé pour elle, elle sentait presque de la pitié dans son regard. Que ressent-on quand quelqu’un qu’on aime nous regarde avec pitié ?
Les copains revenus à la charge se pressaient autour d’eux, ne faisant même pas attention à leurs mines déconfites.


- Bon, Philippe, tu viens ?
Philippe hésite, il regarde Florine, puis lui dit :
- Heu… A toute à l’heure ma puce, attends moi, je vais m’amuser avec mes potes, ils m’ont donné envie avec leur nouvelle attraction !
Florine, décontenancée, regarde Philippe, il est inquiet, elle sourit et dit :
- D’accord, à toute à l’heure.

Soulagé, il s’en va gaiement.

Florine ne remarqua pas non plus que les chevaux de bois arboraient une tristesse, de celle que l’on a quand on a échoué. Pendant que la musique jouait toujours, l’image semblait tourbillonnée et Florine avec.

Symmaque

WAOUH JOLI
si ça t'interesse envois quelques nouvelles ici..
http://www.1000nouvelles.com/

ouais super mimi !!! et bien écrit ! mets-toi aux concours de nouvelles !

mais pkoi vous pensez tous qu'aux concours ? :p
en tout cas je l'ai lue jusqu'au bout, ça m'arrive rarement...

merci everybody, elle date de plusieurs années déjà. faudrait ptet que je la réécrive un peu, non?

oui...

vas-y explique moi en quoi.
moi j'aimerai bien réécrire de façon à ce que lui aussi fasse le jeu du tunnel aux souvenirs.

bah tu as surement progressé depuis le temps, et en la lisant je me suis dit que ça pouvait être mieux écrit donc si tu peux le faire tant mieux...

Iblis a écrit:

mais pkoi vous pensez tous qu'aux concours ? :p
en tout cas je l'ai lue jusqu'au bout, ça m'arrive rarement...

ben tout comme je veux être comédienne et en vivre.. si j'écris.. pourquoi ne pas essayer que çà me rapporte quelque chose.. Je ne veux plus faire de boulots à la con pour payer mon loyer et bouffer.. La vie passe trop vite. Faire ce que j'aime, et uniquement ce que j'aime.. j'aime jouer, j'aime écrire ... Voilà ! certains font du théâtre en amateur et ne cherche pas - tout comme l'écriture - à en vivre. Ils prennent çà comme un loisir.. moi je ne veux faire QUE çà !

Symmaque a écrit:

vas-y explique moi en quoi.
moi j'aimerai bien réécrire de façon à ce que lui aussi fasse le jeu du tunnel aux souvenirs.

je ne sais pas trop en quoi .. moi, personnellement je ne reprendrais rien. Tu l'as écris il y a des années. Ben c'est ce que tu avais envie d'écrire à ce moment là. Ok tu as évolué, ben tu écris autre chose. Point. Si encore tu retravaillais un texte que tu viens d'écrire... mais reprendre quelque chose d'ancien, non, je trouve çà bête. C'est bien que tu le laisses tel quel, justement pour comparer tes écrits d'avant avec ceux d'aujourd'hui.. et de demain. çà te permets de voir ton évolution. Sinon, à ce moment là, tu peux reprendre TOUT ce que tu as écrit .. c'est bête, non ?

oui mais les concours je vois pas ce que ça apporte, moi aussi j'aimerais en vivre, et connaitre la gloire et tout ça, mais les concours ça m'embete. Deja je trouve ça hyper contraignant, on fait pas vraiment ce qu'on a envie, et puis j'aime pas du tout la compétition -_-

en fait j'aimerai écrire en plus un passage, mais pas spécialement retouché le reste et le spécifié en marquant rajout, ça ferait comme s'il y avait deux evolutions possibles et deux fins différentes, soit en gardant l'idée que meme en le sachant ils ne changeraient rien, soit au contraire qu'ils changent.
et si je n'avais pas dit que ça avait été écrit il y a des années, tu aurais eu le meme sentiment iblis?

J'aime bien l'ambiance, puis les sentiments. Quand elle se retrouve làà, avec la fourchette plantée dans le coeur, c'est tout à fait ça, ça exiiiiiiiiiiste.

euh quand j'ai eu ce "sentiment" je croyais que tu venais de l'écrire... mais je comprend aussi que tu veuilles pas la réecrire, et puis c'est moi qui chipotte tout le temps -_-

je voudrais rajouter surtout, sinon je suis de l'avis de pastisette, de plus j'ai un mal fou à ecrire parce que justement je me dis que c'est fini, mais si on part comme on finit par ne rien faire. alors j'aime autant pas y toucher mais rajouter un truc à coté.
enfin je suis sur autre chose là, donc je verrai plus tard. mais j'aime bien cette nouvelle, ça faisait longtemps que je ne l'avais pas lu.

Iblis a écrit:

oui mais les concours je vois pas ce que ça apporte, moi aussi j'aimerais en vivre, et connaitre la gloire et tout ça, mais les concours ça m'embete. Deja je trouve ça hyper contraignant, on fait pas vraiment ce qu'on a envie, et puis j'aime pas du tout la compétition -_-

Ben le premier prix : dans les 2000 euros souvent !! et une publication. Moi, je suis à 2000 euros près vois-tu !!!

Symmaque a écrit:

en fait j'aimerai écrire en plus un passage, mais pas spécialement retouché le reste et le spécifié en marquant rajout, ça ferait comme s'il y avait deux evolutions possibles et deux fins différentes, soit en gardant l'idée que meme en le sachant ils ne changeraient rien, soit au contraire qu'ils changent.
et si je n'avais pas dit que ça avait été écrit il y a des années, tu aurais eu le meme sentiment iblis?

AH NON !! 2 fins différentes ? tu copies sur Amélie Nothomb là !! je déteste quand on a le choix ! pourquoi pas laisser le lecteur inventer la fin aussi ! même mieux, t'écrit rien ! tu laisses le lecteur inventer l'histoire ! non, çà m'énerve ! je lis une histoire, je suis dedans, je veux savoir LA fin.. et pas que ce soit moi qui la choisisse.. enfin c'est mon goût perso...
ben non, si tu ne le dis pas, on ne sait pas. La même histoire, tu l'écrirais peut-être différemment aujourd'hui, mais pas "mieux".

mais yaurait une fin. cela dit je verrai ça plus tard. moi non plus j'aime pas qd ya deux fins, mais c pas pareil quand c toi qui ecrit.
l'enfer c les autres, on est bien dac.