Conséquence des images proposées ci dessus, voici un petit court pratique de dessin qui est en fait le même que celui posté sur la communauté précédente.
De quelle technique s'agit-il ?Pour commencer, je peux déjà dire que j'ai nommé cette technique "l'hyperréalisme à l'estompe", puisqu'il reproduit fidélement une photographie. ça n'a pas grand chose à voir avec le courant pictural hyperréaliste, dont je ne suis pas très familier. Je crois qu'il a surtout connu son heure de gloire pendant les années 50, et surtout il était pratiqué avec de la peinture.
Aujourd'hui, les peintres hyperréalistes privilégient l'aérographe, extrêmement précis mais qui demande beaucoup d'adresse pour être manipulé.
Je dis que c'est moi qui l'ai nommée puisqu'aux origines je travaillais au gré de mon imagination, et uniquement avec un banal crayon à papier du commerce. Puis mes parents ont vu ce que je faisais et m'ont appris qu'on pouvait faire beaucoup mieux avec un matériel qu'ils m'ont d'ailleurs offert.
Quels sont les outils utilisés ?Justement, à ce propos je vous propose un glossaire assez complet pour bien comprendre le matériel utilisé, au risque d'oter la magie de la chose. Là aussi j'ai tout appris sur le tas, le premier bouquin d'apprentissage du dessin venu ne vous fera pas forcément un cours comme ça (enfin bon moi j'ai cherché)
- Graphite : le vrai nom de la matière que l'on trouve au bout de tout les crayons à papier. Plus un crayon fait des traces foncées, plus il contient de graphite.
- Crayon H : les crayons H font des traces claires, puisqu'ils contiennent peu de graphite à l'intérieur
Un crayon 2H est encore plus clair, et plus il y a de H, plus c'est clair. On a donc aussi les crayons 3H, plus clair tu meurs (mais ça peut aller jusqu'à 7 ou 8H !!)
- Crayon B : B comme bold, c'est à dire gras, avec beaucoup de graphite. Ils font des traces foncées. Idem, plus le chiffre devant le B est important, plus il y a de graphite.
- Crayon HB : standard du crayon à papier que l'on trouve dans toutes les trousses d'écolier. C'est un compromis d'équilibre entre les crayons dits H et les crayons B
- Crayon F : crayon très fin et très clair qui sert à faire les premiers jets du dessin avant son remplissage, les premiers contours et croquis. Il est donc très facile à oter avec une gomme. (et je crois que c'est du 3H)
- Crayon de graphite : crayon à papier spécial, qui n'est pas entouré de bois mais est composé uniquement de graphite tendre, à un degré plus ou moins élevé. J'utilise des crayons de graphite 3B, 6B et 9B (très très très noir, attention ça tache)
- Mine de plomb : comme son nom l'indique, c'est du plomb. Plus précisément c'est du graphite PUR, et la mine est très épaisse et tendre. Il faut les tailler au couteau ! Ils permettent de faire des grandes étendues foncées, sans s'embêter à utiliser les crayons à papier qui ont une pointe fine et dure et abiment le papier à la longue.
Et là, non seulement ça tache, mais ça tache aussi les mains ! on s'en fout vraiment partout, mais c'est ça aussi que les artistes aiment : travailler la matière brute. J'utilise du 3B, 6B et 9B également. Le 9B c'est pour les fonds opaques #000000 !!! Ils forment tous une "couche grasse" et brillante sur le dessin, comme un vernis. Vu depuis la tranche, les zones d'un dessin qui contient du graphite produisent un reflet lumineux.
Inutile de dire que la gomme est absolument inutile pour récupérer les erreurs commises avec ces trucs : non seulement le graphite est tendre et gras et colle aux fibres du papier immédiatement (en imaginant qu'on aie pu effacer le coup en trop, il restera toujours une tache grasse grisatre) mais surtout c'est la solution idéale pour bousiller définitivement une gomme ! (à moins de la retailler au couteau)
C'est pourquoi on utilise une gomme spéciale avec ces trucs...
- Gomme mie de pain : inutile de la chercher chez le boulanger, cette gomme est une sorte de pâte à modeler grise, extrêmement malléable, qui fonctionne comme une éponge sur le papier. Pour effacer de la mine de plomb, on tapote la trace gentiment pour pas enfoncer encore plus le gras de la mine de plomb.
- Crayon gomme : ça a un autre nom mais je sais plus, de toute façon on voit mieux comme ça de quoi il s'agit. ça a l'aspect, la taille et la forme d'un crayon à papier, mais ça n'en est pas un ! le "coeur" du crayon, formé par la mine dans un crayon à papier, est ici remplacé par de la gomme.
Comme le bout est pointu et dur, il permet de faire des gommages très très précis, et est mon copain n°1 lorsque le moment est venu de faire les finitions (ma phase préférée). En insistant bien, il peut également effacer la mine de plomb. Artistiquement, c'est un "négatif" du crayon à papier, il permet de faire des tracés blancs sur fond noir.
- Estompe : qu'esc'estssa ? kikoiquesse ? Ben c'est juste rien que l'outil n°1, la reine des reines, l'indispensable, l'incontournable, the favourite, le must, le B.A.-BA du babebibobu, le truc sans quoi le monde s'écroule et vous pouvez retourner faire vos mickeys en classe, monsieur, car oui monsieur sans votre estompe vous n'êtes rien qu'un gros nul qui fait des tâches grossières sur le papier, honteux oui monsieur, vous êtes honteux, pensez seulement aux arbres abattus par votre faute, etc., etc.
Bref vous aurez compris que c'est un outil important. Très.
L'estompe permet de créer l'effet saisissant dont vous m'avez fait part avec émotion à l'unisson, et qui donne cette similitude si forte avec les photographies dont les dessins sont inspirés.
C'est un truc tout con : du carton enroulé très serré. Elle a un peu la consistance du buvard, et comme la gomme mie de pain, elle absorbe le surplus de graphite.
En fait, elle fonctionne exactement de la même manière qu'un pinceau. Elle "récupère" un peu de graphite dès qu'on la passe sur une zone sombre puis elle "l'étale" quand on la passe sur du papier resté blanc. Au final, elle créé des dégradés "floutés", qui atténuent la matière brute du graphite et permettent de donner son aspect photographique au dessin.
Après bien sûr, tout est dans le coup de main
(vous voyez, la magie est sauve =)
Combien de temps a duré la création des dessins, quelles sont les photos, etc. ?** Dessin n°1 **
- Titre : Autoportrait d'un enfant sage
- Type de papier : papier à croquis 24x32 légèrement jaune et transparent, un mauvais choix pour un dessin qui a nécessité autant de "matière" (à savoir de graphite)
- Crayons utilisés :
F, H, HB, 3B. Un peu de crayon à graphite 6H je crois sur toutes les parties sombres : replis profonds du manteau et du pull, creux de la bouche. Les cheveux, contrairement aux apparences, sont faits en crayon à papier 3B tout bête.
- Nombre d'heures de travail : entre 25 et 40
- Date : pour ceux qui ont de bonnes lunettes (c'est en bas à droite) il s'agit du 09/11/01, autrement dit 2 jours avant le début de la 4e guerre mondiale en direct sur votre télévision.
- Photo modèle : une photo prise par mon père quelque part aux environs de mes 5 ans. La photo est heureusement un agrandissement standard ; elle fait environ 75 % du dessin final.
- Contexte de la réalisation : il s'agit de mon 4e dessin hyperréaliste, réalisé avant de partir à Paris pour mes études de licence, alors que je me faisais chier dans mon trou vendéen.
- Actuel propriétaire : la dame de mes pensées
** Dessin n°2 **
- Titre : Nourith (tout bêtement)
- Type de papier : papier A4 pour imprimante.
- Crayons utilisés :
F, H, HB, 3B. Les deux bandes noires perpendiculaires ont été "finies" au crayon de graphite 9B.
- Nombre d'heures de travail : entre 25 et 40 (les cheveux surtout !)
- Date : 28 juin 2001, un peu plus de 3 mois AVANT le dessin précédent
- Photo modèle : pochette de CD du premier album de la chanteuse franco israëlienne Nourith ("Kol Yishama"). Très petit et carré, 25% du dessin final maxi. Déconseillé, donc, mais comme dans "mon trou vendéen" les livres de photo ne couraient pas les rues et que je suis extrêmement exigeant (pensez donc, si c'est pour passer 40 h dessus !), j'ai utilisé cette photo qui me plait toujours beaucoup.
- Contexte de la réalisation : il s'agit de mon dessin hyperréaliste n°3. J'en étais très fier à l'époque.
- Actuel propriétaire : Hélène, une amie bordelaise devenue architecte, dont c'est le cadeau d'anniversaire.
** Dessin n°3 **
- Titre : Ecoute le souffle du vent
- Type de papier : feuille A3 de papier à croquis (super blanc et très résistant, cool).
- Crayons utilisés :
F, H, HB, 3B, 6B, 9B, Crayons à graphite 6B et 9B, mine de plomb 9B
- Nombre d'heures de travail : entre 40 et 60
- Date : 11 février 2002 (comme le port salut, c'est écrit dessus), soit un an après les deux précédents
- Photo modèle : "At Charlie's Farm", une photo que vous pourrez admirer dans l'album "Immediate Family" de la photographe américaine Sally Mann, dont je suis un fan absolu. Le petit garçon s'appelle Emmett Mann, il a quelque chose comme 9 ans sur cette photo tandis qu'il doit en avoir 25 actuellement (et qu'il est beau comme un dieu, selon certains esthètes bien renseignés de mon 'pink' entourage
Là aussi, c'est un agrandissement, d'environ 3:1.
- Contexte de la réalisation : il s'agit de mon dessin hyperréaliste n°6. Probablement le meilleur de ceux que j'ai pu terminer.
- Actuel propriétaire : Bérangère, une autre amie bordelaise devenue architecte, dont c'est un (très) beau cadeau en remerciement d'un service spécial.
Après, bien sûr, je pourrais déblatérer des heures sur la technique : quelle est la marque des crayons, à quel moment utiliser les outils pour atteindre ce résultat, pourquoi 50 heures à passer dessus, qu'est ce qui est le plus difficile, le plus simple, le plus agréable ou le plus technique à réaliser, quels sont les petits trucs à savoir pour pas rater son premier essai... Les intéressés peuvent le demander sans pb.
Pourquoi considère-je que les dessins 1 et 2 ne sont pas très bons et que le n°3 est plus réussi ?- Et bien déjà, parce que le style s'est largement amélioré entre les deux. Dans le n°3, j'utilise TOUTE la palette de crayons, pas seulement les crayons standard mais aussi ces menaçantes mines de plomb dont j'ai mis beaucoup de temps à m'y faire, par peur de salir ou de raturer le dessin de manière indélébile. Résultat : grâce à un peu d'audace et avec une phobie débile en moins, les contrastes sont absolument saisissants dans ce n°3, où j'utilise pour une fois du vrai papier à dessin bien épais. Enfin, c'est un grand format, ce qui a quand même plus de gueule une fois accroché au mur
- D'autre part, voilà ce que j'ai lu dans un bouquin de cours de dessin il y a deux mois (j'en ai trouvé un par hasard dans la bibli où je viens de m'inscrire) :
(citation : ) Une erreur de débutant courante est d'éviter de mettre du crayon gras dans la composition. On reconnaît ainsi les travaux des débutants au fait qu'ils sont très clairs ; la peau des personnes dessinées n'est généralement pas coloriée, puisque le dessinateur utilise le blanc du papier pour "signifier" la peau. C'est une erreur courante ; or le blanc du papier ne doit être utilisé que comme "blanc de papier", pas comme couleur de la composition. (fin de citation)
Comme je suis toujours à chercher à me perfectionner, le fait de dire que ces dessins ne sont pas très bons n'est pas seulement utile, mais nécessaire. Celui commencé en juin 2002 et non fini depuis (sanglots), malgré un tiers déjà terminé, a déjà ravi beaucoup d'amateurs... A suivre !
Voilà, je rends l'antenne et j'attends vos réactions avec impatience.
Merci à ceux qui ont réussi à lire jusqu'au bout, si c'est le cas vous êtes peut-être devenus des mordus comme moi...
Nat
edit : j'ai appris que les 7H et 8H ça existait entretemps...